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  • Corinne LEPAGE

Le mariage de l’écologie et de la République est un impératif, pour l’un comme pour l’autre

Dernière mise à jour : 19 avr. 2022

L’écologie comme la République sont confrontées à un défi abyssal. Seules des transformations profondes des priorités comme des organisations permettront d’y répondre.

La République est malade. Par République, il faut entendre la chose publique, ce bien commun que des citoyens reconnus comme égaux ont l’obligation de défendre, en se fondant sur la responsabilité à l’ère de l’anthropocène qui implique des droits et des devoirs reposant à la fois sur les libertés privées et sur les libertés politiques. Force est de constater que nos sociétés s’écartent de plus en plus d’un modèle libéral sur le plan politique, d’un modèle qui vise à renforcer l’égalité et les « capabilités » au sens d’Amartya Sen et qui fait de la solidarité la matrice du vivre ensemble. Bien loin d’être sur une voie de progrès, nous sommes en réalité sur une voie de régression. Le défi écologique se mue en catastrophe. Inutile de s’étendre sur les effets délétères que cet été, considéré comme le plus chaud depuis que les mesures météorologiques existent, a produit en termes d’incendies et de catastrophes de moins en moins naturelles mais de plus en plus extrêmes. La pandémie de la covid, dont l’humanité ne parvient pas à se défaire, et dont nous ne sortirons psychologiquement que lorsque les causes en seront clairement établies - causes probablement artificielles et non naturelles qui mettent à l’agenda la question de la liberté avec laquelle la recherche scientifique joue aux dés - pose, sous un nouvel angle, le rapport de l’humain à la technique et la question de la rationalité dans les choix effectués.

Sans prise en compte de l’écologie comme priorité absolue, la République perd le sens du bien commun, seul en capacité de fédérer les citoyens qui partagent leur qualité d’humain, dégagée de toute considération relative à la race, à l’origine, au sexe ou à la couleur de la peau. L’écologie rétablit et impose l’universel au-delà même des générations actuelles comme l’a rappelé récemment la cour de Karlsruhe. Le projet républicain est plus que jamais à l’ordre du jour. Mais avec l’obligation de reposer la question de l’émancipation collective et individuelle, de sortir de la virtualité de l’égalité et de la solidarité dans laquelle nous nous trouvons à l’aune de la révolution écologique que nous sommes en train de vivre. Seule une transformation profonde de nos processus de décisions, avec davantage de transparence et de respect du contradictoire, où chacune et chacun puisse y prendre sa part, pourra redonner du sens à notre République.

Car sans prise en compte de la République, le projet écologique est voué à l’échec. Si les multiples alertes n’ont pas permis, à l’échelle de notre pays comme à celle de bien d’autres, de convaincre une majorité de nos concitoyens, c’est bien parce qu’ils ne voyaient pas en quoi ils étaient immédiatement et directement concernés. De plus, certaines prises de position éloignées de la Vulgate républicaine et de l’universalisme fondé sur le refus d’assignation des personnes ont découragé nombre de bonnes volontés de s’engager dans la voie de l’urgence écologique.


Il existe donc une triple urgence : l’urgence républicaine, l’urgence écologique et l’urgence d’un éco républicanisme mariant les deux. Ne nous y trompons pas. Il ne s’agit pas d’une évolution. Il s’agit d’une révolution dans les priorités, dans l’organisation de la société, dans le fonctionnement démocratique. Donner la priorité à la transformation écologique, c’est-à-dire à l’abandon d’une société carbonée, d’une croissance des biens matériels, d’une prise en considération de l’égalité des humains actuels et à venir, du respect du vivant doté de droits, ne peut se faire que par un choix global de société dans lequel le citoyen, quel qu’il soit, peut exercer sa liberté en prenant en considération celle des autres. Cela passe par une République qui fait du partage des connaissances et des savoirs un impératif sans lequel aucun débat démocratique ne peut se tenir, qui refuse de soumettre le bien commun aux intérêts des lobbys et fait de la lutte implacable contre la corruption une donnée fondamentale.


C’est à ce prix et à ce prix seulement qu’il peut exister un espoir de recouvrer la confiance, ciment indispensable au bon fonctionnement d’une société en général et d’une société en proie aux multiples tourments comme la nôtre.


Corinne LEPAGE



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